Pour ce 61ème Vendredi du Vin, notre président mensuel nous avait imposé de débuter notre billet par le séculaire "Il était une fois..." et de poursuivre en racontant un conte plus ou moins joli autour du vin.
Le bicéphale est un sale gosse, ne sait pas raconter d'histoire et a été élevé avec la version désabusée de la Cendrillon de Téléphone...
Désolé, David, pas de belle histoire, pas de fée, pas de loup, pas de pot de beurre ou autre récit avec la morale qui va bien à la fin.
Plutôt une pirouette bicéphalienne, avec un vin qui, je ne vous mentirai jamais, est une sacrée tuerie.
Un truc de matraqué qui a une vocation glouglou incroyable.
Je ne connais pas le domaine du Mas du Chêne ni le couple de vignerons qui y officie, Luc Vignal et Emmanuelle Delon.
Je n'ai même jamais eu l'idée de boire ce "Pinot Chio..." Vin de France 2012.
Le responsable de cette découverte se trouve à Bourg-en-Bresse, dans ce lieu magique appelé "La Buvette".
Raphael y propose des verres à l'aveugle. Tu trouves le cépage, le terroir de ce qu'il y a dans ton verre et c'est cadeau.
Le côté ludique et, dans le même temps, (un tout petit peu) pédagogique amuse beaucoup le bicéphale.
Pour le coup, ce vin m'a dérouté, surpris.
C'est étonnant comme les sens sont perturbés quand on ne trouve pas de référence dans les tiroirs de sa mémoire ou de ses émotions.
Le pourpre sombre du liquide, les fragrances de fruits mûrs vous envoient dans le Languedoc avec assurance.
On y retrouve le côté rassurant des vins du sud.
Mais en bouche, patatras, BIM, bam, squizzz...
Tout est bouleversé.
Le verre se vide quasiment d'une traite.
Pêle-mêle de fruits compotés, de douceur avec des tanins légers, aucune astringence.
De la ouate sur la langue.
Le vin barbe à papa.
Le cerveau cherche... Du gamay? il y a bien ce fruité, mais avec un peu plus de complexité... Du grenache noir? Peut être, mais il y a cette pointe d'acidité en fin de bouche... De la syrah? Du côt?
Tout se mélange, je fais un lacet avec ma langue et mon cerveau...
C'est du pinot noir. Un cépage qui m'ennuie 8 fois sur 10.
Cultivé sans intrant chimique, vinifié avec une macération semi-carbonique, avec une belle extraction de
fruits.
La baffe.
Et j'ai beau regarder le caviste de "La Buvette", son nez ne s'allonge pas.
Ce vin est renversant...
Du fruit à la pelle à neige, une buvabilité de taré. Certes, le vin manque un peu d'allonge et de fraicheur en fin de bouche. Mais, c'est dur de trouver un vin aussi glouglou que ce "Pinot chio...".
J'en garde à la maison pour ceux qui pensent que le pinot est un cépage sans intérêt, toujours trop acide jeune et de qualité variable en vieillissant ou pour une élite de buveurs fortunés des plus beaux climats.
Là, le vin crie "saucisson"!
Pour résumer.
Iil était une fois un cépage jugé noble qui a longtemps été considéré comme le meilleur, le plus fin. Mais beaucoup le trouvaient inaccessible voire même chiant à crever.
Mais, dans le Gard, plusieurs vignerons le cultivent sur des terroirs un peu moins baignés de soleil et en tirent un jus réjouissant. Bu comme un vin de plaisir, il oscille entre paniers de fruits rouges et câlins avec une peluche toute douce.
Les jeunes buveurs qui se penchent sur ce pinot noir peuvent alors voir une jolie nymphe sans aucun sang royal mais
intensément plus intéressante...