Quand c'est bon, on en parle.
Quand c'est trop bon, nous allons le redire.
Dur, pour un tout jeune blog vinique, de réécrire sur un vigneron déjà cité après à peine 70 articles d'existence...
Il y a tant de vins à goûter, tant de vignerons qui suscitent l'admiration.
Mais, voilà, l'annonce de l'arrêt d'Olivier B. et l'émoi que cela a provoqué dans la bloglouglou y sont pour beaucoup.
Olivier B. a engagé le processus d'auto-destruction.
Beaucoup ont déjà lancé leur "cri du coeur" (qui s'apparente plutôt au "pop" du bouchon qu'on extrait avec vigueur) sur les forums de dégustateurs (maintenez le petit doigt en l'air) de ce vigneron, décrit par lui-même comme agité.
C'est grâce à lui que j'ai goûté mon premier bon vin rouge du Ventoux (les "Amidyves 2007", avec des notes sur mon carnet toutes embrumées d'alcool, et un fameux, mais incompréhensible "ça tire dans les coins"...).
Mais un billet a retenu l'attention du bicéphale.
Oenos renvoie les blogs à leurs insuffisances.
Prompte à l'autocongratulation, aux trophées aussi inutiles qu'idiots (ah, le Wine Blog Trophy, ou comment admirer son propre trou de balle à force de contorsions), la blogosphère vinique donne son avis sur le vin, à qui veut bien la lire.
Mais à quoi cela sert-il?
"(...) je me pose des questions. A l’heure où la Bloglouglou se questionne de partout sur le pourquoi du comment de son existence et de ses interactions, il est bon que des choses comme celles-ci nous remettent les pieds sur terre. Oui, nous blogueurs, parlons des vignerons que nous aimons. Oui nous parlons de leurs vins que nous avons apprécié. Oui nous parlons de nos rencontres avec les vignerons. Oui nous aimons leur donnons leur parole. Oui nous avons envie de les défendre. Mais est-ce bien suffisant?
Nous avons beau dire que tel vin est superbe, que tel vigneron est une personne à rencontrer, sommes-nous suffisamment convaincants pour inciter les gens à découvrir les vins de tel domaine? Sommes-nous suffisamment clairs sur la « valeur ajoutée » de tel vin, qui donnerait envie aux gens de les acheter? Car il ne faudrait que l’on oublie trop souvent que les vignerons doivent vendre pour vivre.(...)"
Je reste persuadé qu'un blog, cela ne sert à rien.
Et c'est déjà beaucoup.
C'est notre espace de liberté, loin des considérations mercantiles de l'industrie du vin.
Mais, quand on aime quelque chose, que l'on prend du temps pour l'écrire (chaque article est un mini-accouchement avec des contractions de plusieurs heures pour le bicéphale, le tout sans péridurale, mais avec le plus bel anesthésiant du monde), on aimerait faire tellement plus...
Le bicéphale est tout riquiqui, avec un réseau social qui s'apparente aux joueurs de billes de la cour d'école.
Et même si son cri est encore trop aigu, signe que la mue n'est pas encore toute proche, le bicéphale est bien décidé en 2011 à pousser des hurlements d'amour pour les vignerons dont les vins nous bougent, du bout de la langue jusque dans le fond du ventricule.
Si une seule personne se dit, en lisant nos articles, qu'elle va harceler son caviste pour goûter à un vin présenté dans nos humbles billets, alors, le bicéphale frétillera de plaisir!
On commence les travaux pratiques...
Hier, c'était potée aux choux chez Céline et Fred.
(j'ai pas mal de clichés où Fred a l'air beaucoup, beaucoup plus malin, mais du coup c'est moins rigolo)
Je peux difficilement exprimer ce que cela déclenche chez moi comme passion à chaque fois que j'ai l'honneur d'être invité pour manger de la potée.
J'en profite pour amener quelques quilles pour l'apéro, même si Céline blinde l'affaire en ayant toujours de superbes vins à faire goûter (spéciale mention au Rully de Chatel-Buis, vignerons de la cave de Buxy, délicieux et profond).
En territoire tournusien, entre le mâconnais et la côte chalonnaise, les blancs qui claquent sont légion chez nos hôtes.
Mais, tout retourné par l'article d'Oenos, j'avais emmené un vin blanc du Jura d'un vigneron qui fait un travail fantastique, le "Rouge-queue 2007" de Philippe Bornard.
Attention, monsieur Bornard est loin d'avoir besoin du bicéphale pour vivre!
Ses vins sont connus, reconnus, exportés au Japon, et son vignoble à Pupillin va pour le mieux.
Mais quand c'est trop bon, on en reparle!
Nous avions déjà eu la chance de goûter à un vin de cépage trousseau dans un précédent épisode du bicéphale avec la mention "Vin de copain qu'il est bon pour toi".
Aujourd'hui, place à ce cépage aussi mystérieux que graveleux (pour les mauvais esprits), le melon à queue rouge...
Le melon à queue rouge est une variété locale de chardonnay, qui a la particularité d'avoir sa rafle (l'ensemble des parties habituellement vertes de la grappe de raisin) qui rougit en mûrissant.
(bon, le raisin du schéma est noir... mais c'est juste pour voir à quoi correspond la rafle)
Philippe Bornard travaille à son compte depuis 2005 sur Pupillin, petit village, à proximité d'Arbois, avec une tripotée de vignerons talentueux et de vins superbes.
Il travaille sa vigne sans produits chimiques, mais sans se sentir obligé de le mentionner ou de se faire labelliser.
La bouteille est cachetée avec une belle cire orange.
Pas de capsule en plastique ou en alu à retirer, on besogne directement avec le tire-bouchon.
Dans le verre, c'est doré et brillant.
Servi entre un paquet de blancs bourguignon, le Rouge-queue est un chouia plus sombre, mais avec la même brillance.
Au nez, c'est assez déroutant par rapport aux Givry et Rully bus.
Les vins blancs bourguignons goûtés ce soir éclatent avec leurs notes florales.
Le Rouge-queue nous donne du fruit blanc très mûr, de la poire et de la pêche.
Une grosse fragrance, mais avec une pointe d'oxydation qui s'évapore tout doucement au fil de la dégustation (le vin n'a pas de sulfites ajoutés, très peu souffré, sensible et vivant, pas statufié).
En bouche, c'est "bing-bang-badaboum" sur une cascade de Belmondo.
Le vin est dense avec une trame droite, tendue qui fait immédiatement penser à un grand chenin (cépage blanc rustique) de la Loire.
Des goûts de poire, mais relevés par un côté miel, enveloppés dans des bonbons à la sève de pin, sans la sucrosité.
Le vin est gourmand, avec une tension qui dure, dure, dure...
Ca excite les papilles, réveille les sens!
Définitivement amoureux du vin, je le clame haut et fort, Bornard, c'est du trop bon dans ta face!!!
En apéro, sur un poisson relevé, sur un dessert pas trop sucré, vous avez un vin qui se tient et qui fait plaisir.
15 euros, c'est le prix de la rareté, mais ça les vaut largement en deux-trois verres bus.
Alors, lecteurs avides de bon vin, vous aurez gaché 2011 si vous ne goutez pas le Rouge-queue de Bornard.
Harcelez votre caviste!
Ce serait trop bête de rater ça!